Longtemps tenue pour une ville antique sans antiquités, Aix-en-Provence a vu ressurgir de terre une composante essentielle de sa parure monumentale de ville romaine : son théâtre.
Supposé depuis le XVIe siècle au moins, cet édifice de spectacle a suscité par le passé bien des discussions. Certains proposaient d’y voir un théâtre, tandis que d’autres ont résolument penché pour un amphithéâtre. Seule sa localisation faisait l’objet d’une relative unanimité, chacun s’accordant de le restituer dans un secteur jadis occupé par la ville médiévale des Tours, qui correspond à l’actuel site de la Seds. C’est d’ailleurs en ce point que E. Devoux place l’édifice sur le plan de la ville antique qu’il a gravé en 1762 en même temps que celui de la ville du XVIIIe s.
Si cette localisation a été définitivement confirmée en 1990 à la faveur des sondages réalisés par M. Fixot, J. Guyon, J.-P. Pelletier et L. Rivet, en préalable à la construction d’un programme immobilier, l’orientation du monument restait à établir et les hypothèses pesaient toujours en faveur d’un amphithéâtre. Il n’est pas étonnant donc que l’acquisition par la Ville de l’ancienne propriété des Sœurs du Saint Sacrement en 2002 ait motivé la reprise des recherches sur le site : au printemps 2003, une campagne de prospection géophysique menée par la Société Terra Nova permettait de localiser le monument et, en 2004, une campagne d’évaluation a enfin permis de l’identifier.
Le théâtre de la Ville
Etabli intra muros, dans le quartier occidental de la ville romaine, sur une vaste terrasse qui devait dominer le decumanus maximus (rue d’axe est-ouest) découvert, en 1970, à l’emplacement du cours des Minimes, le théâtre s’élevait à 30 m de la fortification, dans un secteur qui a accueilli, dans l’antiquité, d’autres bâtiments publics. Il mesure à peu près 100 m de diamètre, ce qui le classe parmi les édifices de grande taille. S’il est un peu moins grand que les théâtres d’Arles (102 m) et d’Orange (103 m), il se range devant ceux de Fréjus (95 m) et de Vaison (84 m). Bien que les recherches n’aient concerné qu’une petite partie de l’ouvrage, certaines caractéristiques architecturales se dégagent assez bien. A commencer par son implantation topographique qui rappelle celle des théâtres de Vaison et d’Orange.
Sans doute par souci d’économie et peut-être aussi pour répondre à un souci de mise en scène, le théâtre a été adossé à la pente nord-sud du terrain et avait sa cavea (la conque de 13 gradins) orientée vers le sud.
A l’emplacement de l’orchestra, se développe un sol en béton en légère pente, qui porte les empreintes de larges dalles de marbre et où est encore conservé un fragment de la bordure moulurée d’un gradin. Il s’agit du soubassement de deux larges gradins qui accueillaient les sièges des notables, selon l’usage grec de la proédrie, qui a pris une place envahissante à l’époque romaine.
Le profil des gradins conservés permet d’avoir une idée de la hauteur de l’édifice. Il devait s’élever à environ 24 m de hauteur à partir de l’orchestra. Il est actuellement conservé sur près de 8 m d’élévation, ce qui porte à près de 15 m la hauteur de façade disparue.
La chronologie de l’édifice
Il est trop tôt encore pour arrêter la chronologie du monument, mais les quelques pièces architecturales un peu remarquables qui ont été recueillies dans les niveaux de destruction en remploi dans des maçonneries plus récentes (fragments de chapiteaux, d’entablement, de corniche …) invitent à dater sa construction au moins de la période julio-claudienne (de 14 et 68 après J-C)