Les carrières de Bibémus : quand les pierres parlent de Cezanne

De l’œuvre de Cezanne, le monde entier connaît la silhouette de Sainte-Victoire, les baigneuses et les joueurs de cartes, les natures mortes et les vues de l’Estaque. Il est un autre sujet majeur, dans le parcours pictural du père de l’art moderne. Situées au cœur du Grand site Sainte-Victoire, sur un plateau de 7 hectares, les carrières de Bibémus sont indissociables de son univers créatif. Un peu comme un atelier en plein air. Pour commencer, un peu d’histoire. Ce plateau rocheux fut exploité dès l’Antiquité romaine. Ses pierres furent utilisées pour bâtir nombre d’édifices aixois : l’Hôtel de Ville et de nombreux hôtels particuliers du cours Mirabeau et du quartier Mazarin. C’est la texture spécifique de la roche de Bibémus qui lui confère cette couleur ocre jaune si lumineuse, à nulle autre pareille. L’exploitation intensive des carrières cessa au XIXe siècle. Et c’est au cœur de ces carrières abandonnées à la géologie envoûtante, où se faufile la lumière et où les rochers dressent leur géométrie cubique ou anguleuse, que Paul Cezanne planta son chevalet à partir de 1894 avec cette fidélité qu’il savait réserver aux lieux. Il se rendait régulièrement dans ces carrières qui le fascinaient et allaient devenir, après le Jas-de-Bouffan, après Gardanne, après l’Estaque, après la montagne Sainte-Victoire, sa source d’inspiration.

Cerné par le silence et la sérénité, avec la solitude pour compagne, il allait peindre là 27 œuvres, 11 huiles et 16 aquarelles. Notamment Le Rocher rouge, La Carrière de Bibémus et La Montagne Sainte-Victoire vue de Bibémus. Certaines de ces peintures illustrent l’avant-gardisme de celui qui parvint à rendre la perspective par la couleur. Ainsi débuta une nouvelle ère artistique. La géométrie des rochers de Bibémus donnera naissance au cubisme. Encore une fois, Paul Cezanne s’imposerait comme le père de la modernité.

LE CABANON, UN ATELIER D’ARTISTE EN PLEINE NATURE

Bibémus, c’est aussi ce cabanon en pierres, surnommé le « cagnard provençal », qui lui servait d’atelier d’artiste. C’est là que Cezanne entreposait son matériel et ses œuvres. Orienté plein sud, ce cabanon offrait une protection bienvenue contre la chaleur provençale et les assauts du mistral. Il y dormait aussi parfois, en communion avec la nature, dans cette harmonie faite de minéral et de végétal.

Car Bibémus, c’est tout à la fois cette kyrielle de falaises suspendues, formant des creux et des niches. Et cette végétation faite de pins, de chênes et d’arbousiers.

À LA MÉMOIRE DU GÉNIE

Ces carrières abandonnées furent acquises par Georges Bunker en 1954. Cet Américain, amateur d’art et passionné de Cezanne, légua le site à la Ville d’Aix-en-Provence quand il mourut en 1991. Et cela, avec la condition impérieuse que les carrières demeurent accessibles au public sans exploitation commerciale, et qu’elles soient préservées pour en faire un parc public à la mémoire de Paul Cezanne.

Sept ans plus tard, en 1998, la Ville lançait les aménagements du site que l’on peut désormais visiter. Comme si la pierre, elle aussi, pouvait raconter l’histoire et le génie du peintre. Comme si Cezanne était parfaitement indissociable des sites qui inspirèrent ses toiles. Dans le cadre de Cezanne 2025, le public pourra découvrir les couleurs et les motifs cezanniens, l’histoire des carrières et les liens profonds entre l’artiste et ce paysage, notamment les lieux depuis lesquels il a peint. Sans oublier le cabanon à l’ombre des grands pins et le belvédère avec une vue à couper le souffle sur les massifs provençaux. Des visites guidées sont proposées par l’Office de tourisme sur ce site aménagé et sécurisé pour accueillir les visiteurs. Et faire partager le fabuleux panorama qu’il avait depuis ce lieu d’inspiration qui, au fil du temps, a fait le tour du monde.

UN ACCÈS DÉSORMAIS RÈGLEMENTÉ

Pour préserver le site de la saturation automobile et du stationnement sauvage, déjà constatés avant même l’ouverture de cette saison exceptionnelle, l’accès au site est désormais limité. Une borne rétractable installée à mi-parcours du chemin réserve l’entrée aux riverains équipés de badges, aux véhicules de secours, et à la navette transportant les visiteurs inscrits auprès de l’Office de tourisme. Les visiteurs sont invités à laisser leur véhicule sur le parking des Trois Bons Dieux, avant de rejoindre le plateau à pieds, à vélo ou en navette publique.