Entretien avec Sophie Joissains, Maire d’Aix-en-Provence

« Les Aixois ne peuvent pas dépendre d’un pouvoir décisionnel éloigné de leur quotidien. »

« Défendre les intérêts des Aixois et de la ville d’Aix, ce n’est pas être isolé comme le disent certains. Au contraire. Je ferai toujours le choix des Aixois. »

Sophie Joissains

En ce début d’année, quelle est pour vous et la Ville d’Aix, la prochaine étape de la mise en application de la loi 3DS ?

Sophie Joissains : Tout d’abord, j’étais et je reste hostile à la disparition de l’échelon intermédiaire que constituaient les territoires dans une métropole XXL, polycentrique, hétérogène et deux fois plus grande que le Grand Londres. Songez qu’il faut près de deux heures en voiture pour traverser la métropole, d’est en ouest. Ce n’est pas le seul vice de ce texte qui accorde aussi un droit de veto à la ville centre. Mais cette suppression des territoires a été présentée comme « LA » solution aux maux de la métropole. A l’usage, elle se révélera être « LE » handicap.

Très concrètement, j’ai présenté un amendement en conseil de métropole le 15 décembre pour demander que la Ville d’Aix puisse garder la gestion de ses parkings de centre-ville. S’il est juste que les parkings relais directement articulés aux transports en commun relèvent de la métropole, ce n’est pas le cas des parkings de centre-ville qui font partie intégrante de notre politique municipale en matière de commerce et d’animation, et de piétonnisation.
Ces parkings ont été payés par les Aixois. Nous avons toujours appliqué une politique de prix bas. Avec la métropole, les Aixois vont payer plus cher. Nous avons là un exemple de la mainmise de la Métropole sur les politiques communales. Les maires vont finir par s’en rendre compte. La Ville d’Aix a engagé un recours contre cette décision inique de la métropole.

Dans les semaines à venir nous attendons de voir quelle sera l’attitude de la métropole et de sa présidente sur l’intérêt métropolitain et le transfert des équipements culturels et sportifs (Aréna, 6MIC, le stade Maurice David, les trois piscines et le CFA). Nous avions déjà sauvé la GTP et le musée Granet. Nous ne voulons pas abandonner à la métropole ces équipements majeurs pour la vie quotidienne des Aixois.
Rappelons que nos piscines avaient dû fermer en plein été 2021 parce que la métropole n’avait pas recruté les personnels saisonniers nécessaires. Mais la métropole devra, comme le prévoit la loi, nous retourner les moyens humains et financiers de leur gestion. Je serai très vigilante sur ces dossiers pour que la ville d’Aix et ses habitants ne soient pas lésés.

Plus globalement, comment envisagez-vous désormais l’avenir de la métropole et de son territoire et les relations de la Ville d’Aix avec l’institution ?

SJ  : Le manque de moyens financiers ne peut qu’être générateur de conflits. Nous voyons déjà les difficultés de la discussion budgétaire autour du pacte financier et fiscal. C’est un compromis et il a été voté. Mais c’est une bombe à retardement pour les prochaines années.

La métropole n’a pas d’argent. Sa dette dépasse les 3 milliards d’€. C’est son péché originel. Elle en a moins aujourd’hui qu’à sa création. Et l’on voit bien que c’est dans les services et les budgets connexes qu’elle va chercher l’argent qui lui manque. Si nos parkings n’étaient pas bien gérés et s’ils n’étaient pas l’objet de potentielles augmentations tarifaires, la métropole la métropole n’aurait pas voulu les prendre dans son giron. Au risque de perdre de son attractivité économique, la ville d’Aix doit être considérée en tant que telle mais aussi à la hauteur de sa participation au développement économique et de sa contribution à l’équilibre social de tout le territoire métropolitain. Le quotidien ne peut pas dépendre d’un pouvoir central et vertical.

Quelles mesures auraient permis selon-vous, d’éviter la suppression des conseils de territoire ?

SJ  : La question de la coexistence des conseils de territoire et du Conseil de la métropole était un faux débat qui a servi d’alibi pour recentraliser le pouvoir et les moyens financiers au plus haut de la métropole.
En effet, les Conseils de Territoire (CT) étaient le lieu de décision des politiques de proximité. En Pays d’Aix, les politiques de proximité n’ont jamais posé de problèmes. Mais pour répondre précisément à la question, nous aurions pu éviter la suppression des CT, nous aurions pu éviter d’augmenter les impôts, nous aurions pu éviter que la métropole soit en quasi dépôt de bilan et ait besoin des équipements aixois pour apporter des recettes en augmentant leurs tarifs.

Le problème n°1 est celui de la dette et celui du financement du déficit des budgets annexes (mobilité à hauteur de 120 millions d’€ par an et déchets à hauteur de 26 millions d’€ par an) par le budget de la métropole. Chaque année, ce sont donc près de 150 millions d’€ qui sortent du budget de la métropole pour éponger les dettes de la RTM et de politiques déchets déficitaires dans certains territoires. Additionnés aux 3 milliards d’€ de dette (dont près d’1 milliard supplémentaire depuis 2016), la métropole n’a plus la capacité d’avancer.

Plutôt que d’augmenter les impôts et de menacer les communes de venir réduire leurs budgets communaux, nous avons proposé de régler ce problème de dette une fois pour toute en réajustant le programme d’investissement pendant deux ans pour assainir les finances. Des solutions existent, une autre orientation existe, et c’est ce sur quoi je vais discuter avec les équipes du Président de la République prochainement.