Opération collège Mignet

Archéologie préventive
Opération collège Mignet

Période(s) : Antiquité à l’époque moderne
Découverte(s) : Le couvent royal des Dominicaines.

La fouille préventive conduite en 2007 en prévision de l’extension du parking, est la troisième opération réalisée depuis 1990 dans l’enceinte du collège Mignet. Elle a été l’occasion d’une approche paléo-environnementale qui permet de saisir l’évolution du paysage à travers les siècles sous l’effet de l’intervention humaine ou de phénomènes naturels.

Cette approche a mis en évidence la présence de cours d’eau ou paléo-vallon, divaguant sans doute un bras de la Torse : dès l’antiquité, ce chenal ou fossé témoigne du drainage vers le sud des eaux issues de la cité. Son éloignement du site étudié au Moyen Age a stabilisé le milieu et permis le développement d’établissements religieux et hospitalier ainsi que d’un faubourg.
A la fin du Moyen Age et à l’époque moderne, ce secteur rendu aux cultures agricoles s’exhausse progressivement sous l’effet des dépôts sédimentaires d’inondation d’un cours d’eau proche engendrant un mauvais drainage des sols. Le lotissement du quartier Mazarin a nécessité ainsi un apport massif de remblais pour assainir ce milieu engorgé.
Dans ce contexte très particulier, les niveaux profonds ont révélé à travers une série de silex taillés, une occupation du site bien antérieure aux 1ere traces reconnues jusqu’à lors pour le Néolithique. Si ses datations sont encore à affiner, cette découverte constitue un fait exceptionnel pour le bassin aixois et au-delà pour la Provence.
Resté très longtemps à vocation rurale, ce secteur péri-urbain est investi au XIIIe s. par plusieurs établissements religieux : hospitaliers ( hôpital St Jacques av 1249), monastères ( couvents des Sachets en 1251 puis des Dominicains en 1292) et charitable ( maison de l’aumônerie).
Favorisé par la proximité de la route de Marseille, l’essor du bourg St Jacques est étroitement lié à la présence de ces établissements.

Les vestiges médiévaux fouillés en 2007 appartiennent tous à l’extrême fin du XIIIe s. et à la 1ere moitié du XIVe s., et ne peuvent se rapporter qu’au couvent des Dominicaines.
En 1990, un mur nord-sud distant d’environ 40m et à l’est de la rue Malherbe, avait été interprété comme la limite occidentale du couvent des Dominicaines.
Cette hypothèse a été confirmé en 2007 par la découverte ; 90m plus à l’est d’un mur parallèle qui donne à l’enclos monastique sa limite orientale et une superficie supérieure à 9000m2.
Au contact du mur de clôture du couvent des Dominicaines, le secteur ouvert aux recherches en 2007, occupe une place marginale dans l’enclos monastique. Huit états d’occupation y ont été mis en évidence pour la période médiévale. Aucune construction n’a pu être rattachée à l’état initial. Le secteur fouillé est alors un espace totalement libre qui sert de zone de rejets et est peut être dévolu également à un usage agricole. La richesse, l’abondance et la variété du mobilier brassé dans les niveaux de terre, ne laissent aucun doute sur l’origine de ces dépôts constitués à une époque où les Dominicaines étaient déjà installées sur le site, plus au nord.

Il faut donc nécessairement considérer les bâtiments mis au jour en 2007, comme les agrandissements du couvent initial. Un premier corps de bâtiment nord-sud doté, au rez de chaussée, d’un système d’égout dans-œuvre, et le mur de clôture occidental du couvent, sont les premiers aménagements à être réalisés. Une cour est rapidement aménagée au sud et à l’est de cette aile.
A une époque qu’il est impossible de préciser, l’aile initiale est doublée jusqu’à la clôture conventuelle, par la construction d’un nouveau corps de bâtiment contigu.
Cette construction aux dispositions tout à fait comparables présente, en rez de jardin, un espace rectangulaire intégrant dans sa structure une canalisation dans-œuvre. La distribution identique et tout à fait singulière des deux corps de bâtiment, chacun doté d’un ample système d’évacuation des eaux usées qui renvoie à certains dispositifs de latrines collectives, bien documentées par l’iconographie du Moyen Age. Il faut ainsi sans doute restituer à l’étage de ces deux bâtiments une série de latrines avec leurs sièges percés à l’aplomb des canalisations qui leur servaient d’exutoire.
La localisation de ces constructions en marge du couvent rappelle bien les positions généralement choisies pour ce type de commodités polluantes.On sait de plus par les textes anciens, que les eaux d’un bras de la Torse et celles du puits de la Madeleine avaient été canalisées jusqu’au couvent des Dominicaines et l’on peut imaginer que ces eaux pouvaient occasionnellement se transformer en chasses d’eau pour assainir les canalisations.

La grande variété du matériel que recélaient ces canalisations confirment la présence, en amont, d’un système hydraulique important et actif jusqu’à l’abandon du couvent, qui a charrié, en quantité, de la céramique, du verre, du charbon, de la faune et quelques rares fragments de marqueterie, correspondant à des déchets occasionnels jetés dans l’égout collectant les eaux usées de l’ensemble oriental du couvent. Ces dispositifs ont nécessité la création d’exutoires variés allant du simple fossé lié à un puits pendu à la canalisation maçonnée dont la capacité d’évacuation accrue trahit sans doute le début d’occupation franche du couvent conçu pour abriter à terme, une centaine de moniale.
La présence de ces systèmes d’évacuation d’eaux usées et leur nombre (8 dans la cour), donnent ici l’illustration de l’importance des réseaux hydrauliques dans l’enceinte des établissements monastiques.
En outre, le dédoublement des deux réseaux d’exutoires respectivement attachés aux canalisations dans-œuvre ont permis de proposer l’hypothèse de conduits réservés aux eaux non souillées destinées à l’arrosage des jardins. La pose de simples martelières permettait de dissocier les réseaux, tandis que les eaux usées étaient évacuées à l’extérieur de l’enclos monastique.
Les deux corps de bâtiments dotés de latrines et leur cour ont empiété sur un espace libre de construction de vastes dimensions. Cette zone de jardins est caractérisée par des terres et par la présence de fosses de plantation fortement brassées et perturbées par les activités qui s’y sont déployées. Elle a également servi de zone de rejets domestiques.
S’il ne fait pas de doute que les bâtiments et réseaux mis au jour en 2007, ont été construits dans la fourchette chronologique 1292-1357 correspondant à la période d’occupation du couvent des Dominicaines de Notre-Dame-de-Nazareth, plus épineuse à établir en revanche, est la datation absolue de chacun des états reconnus lors de la fouille, au sein d’un complexe monastique dont on sait qu’il a fait l’objet de ré aménagements au cours de cette période. Par ailleurs, les textes d’archives par trop laconiques, restent délicats à utiliser. L’un des documents les plus précis évoque une campagne de travaux financée par le comte de Provence Charles II, en mars 1301.

A la suite d’un rapport, il était apparu qu’à cause des ouvrages déjà réalisés dans le couvent des Dominicaines, le jardin des sœurs en était réduit à presque rien. Le prieur qui souhaitait alors accroître ce jardin ne disposait pas, dans les limites de l’enclos conventuel, des terrains suffisants, sauf à abandonner la réalisation déjà engagée du dortoir.
Charles II débloque alors 1000 livres coronats pour l’achèvement de ce dernier et pour enclore le nouveau jardin assigné aux religieuses. Plusieurs arguments permettent de rapprocher les vestiges mis au jour en 2007 du contexte évoqué en 1301. Le principal est leur localisation aux marges de l’enclos monastique et en limite des jardins. L’assurance que ces vestiges correspondent à une extension du couvent initial dessine en outre un cadre chronologique en accord avec les données du texte.
Enfin a été relevé la présence probable de latrines, aménagement souvent lié aux dortoirs. Reflet des travaux réalisées dans la partie orientale du couvent et dont les fondations ont été exhumées en 2007, ou non, la donation de 1301 donne le sentiment que l’ambitieuse construction du couvent de Dominicaines d’Aix ne répondait pas complètement à un programme préétabli, ou tout au moins que son développement s’était, à la fin du XIIIes., largement affranchi du projet initial.

Même généreusement doté par le pouvoir royal, cet établissement, à l’instar des autres communautés de mendiants, semble ainsi s’être progressivement structuré, adaptant, au fil du temps, le cadre de vie des religieuses, peut-être en fonction de l’augmentation de la communauté qui atteint en 1318 quatre vingt deux moniales. Les reprises et extensions observées sur le terrain doivent être sans doute examinées sous cet angle. Des huit états identifiés sur le site, seul le dernier (l’abandon du couvent) apparaît relativement bien daté par le contexte historique, entre les années 1357 et 1367.
La désaffectation du site péri-urbain s’est accompagnée de travaux de récupération des matériaux qui, contrairement à ce que l’on peut observer ailleurs, ne semble pas avoir été le fait des religieuses elles-mêmes. Après avoir quitté, sous la pression des Grandes Compagnies, leur couvent suburbain pour intégrer le corps de ville, les Dominicaines ont en effet, quelques années durant, été hébergées par les Prêcheurs, et ce n’est qu’en 1377 qu’elles disposent à nouveau de leur propre établissement.
Leur déménagement intra muros n’a ainsi pas été immédiatement suivi de la reconstruction d’un nouveau couvent qui explique souvent la participation des communautés elles-mêmes au démantèlement de leur ancien établissement. Du reste le témoignage du maitre rational (ou maitre des comptes ) Louis de Tabia, en janvier 1367/1368, évoque clairement sa responsabilité dans la destruction du couvent des Dominicaines dont les matériaux ont, en partie au moins, servi alors à la construction des remparts urbains.

La fouille a montré que le démantèlement du couvent s’était effectué en plusieurs étapes sur une période apparemment assez courte. Loin de confirmer l’image traditionnelle d’un pillage dans l’urgence, elle a permis d’entrevoir une certaine logique et un grand soin dans l’organisation du chantier de récupération des matériaux et à l’issu duquel le site avait été remis en état. Rendu aux activités agricoles dans les années qui suivent le démantèlement du couvent des Dominicaines, le site reste sans doute jusqu’en 1479, dans le domaine des religieuses avant de passer dans celui de l’archevêché ; il apparait alors sous la dénomination de "Grand Clos" ou "Grand Jardin".

Peu de vestiges ressortissent à cette occupation, à l’exception d’une grande fosse drainante immédiatement postérieure à l’abandon du couvent et d’une épaisse couche sédimentaire qui recouvre progressivement l’ensemble du site, à partir de la fin du XIVe s. La succession de dépôts d’inondation qui la constituent, laisse supposer la proximité d’un cours d’eau connaissant des crues régulières, peut être un bras de la Torse. La création du quartier Mazarin, en 1646, intègre ce secteur au corps de ville.
Trahie sur le site par un niveau de construction de chaux et cailloutis, la fortification des quartiers bas de la ville a été à l’origine de désagréments considérables. Créant une retenue en aval de la vieille ville et du quartier des Tanneurs, ce puissant mur dépourvu de chantepleures à sa base, a transformé, dès les premières années, le nouveau quartier en véritable bourbier. Cette situation qui a produit une abondante documentation d’archives jusque dans les années 1650, a généré, dans cet espace urbain fortifié mais pas encore loti, une sédimentation hydromorphe caractéristique.
Nettoyé de ses cloaques, le nouveau quartier Mazarin est progressivement investi par les hôtels particuliers et les établissements religieux. Ouverte dans l’axe de l’ancienne rue Saint Jacques, la fouille de 2007 a permis de retrouver, de part et d’autre de cette voie, les restes du couvent des Bénédictines établi en 1681, au sud-ouest du quartier, et l’extension de l’enclos des Ursulines, réalisée entre 1685 et 1721.
La Révolution chasse les religieuses de leurs couvents qui, devenus bien nationaux, sont annexés à la ville. Dans les années suivantes, les multiples affectations de ces établissements connues par les textes, n’ont pas laissé de vestiges au niveau de la parcelle fouillée. Seuls ont été caractérisés les travaux réalisés entre 1878 et 1884, pour la réunion des deux anciens couvents en un même complexe scolaire, le collège Bourbon.